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l’air ne manquait pas, — au contraire. Par les vitres brisées, toutes les rafales et la pluie furieuse pouvaient entrer ; les rideaux se tordaient en spirales et montaient au plafond avec des bruits d’ailes.

Comme Yves, je suspendis mes vêtements mouillés. L’eau ruisselait sur ma poitrine.

On n’était guère bien dans ma couchette, j’y fus vite endormi pourtant, par excès de fatigue. Roulé, secoué, à demi chaviré, je me sentais m’en aller de droite et de gauche, et ma tête se heurtait sur le bois, douloureusement. J’avais conscience de tout cela dans mon sommeil, mais je dormais. Je dormais et je rêvais d’Yves. — De l’avoir vu tomber, dans le jour, cela m’avait laissé une espèce d’inquiétude et comme la notion vague d’avoir été frôlé de près par une chose sinistre.

Je rêvais que j’étais couché dans un hamac, comme autrefois au temps de mes premières années de mer. Le hamac d’Yves était près du mien. Nous étions balancés terriblement, et le sien se décrochait. Au-dessous de nous, il y avait une agitation confuse de quelque chose de noir qui devait être l’eau profonde, — et lui, allait tomber là-dedans.