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sur les bouts des affûts, avec précaution, pour éviter l’eau boueuse et les ordures, — posant leurs pieds nus sur toutes les saillies, se perchant avec des frayeurs de chatte. Près de leurs hamacs, ils se déshabillèrent, suspendant leurs bonnets, suspendant leurs grands couteaux à chaîne de cuir, leurs vêtements trempés, suspendant tout, et se suspendant eux-mêmes ; et, quand ils furent nus, ils époussetèrent de la main un peu d’eau qui ruisselait encore sur leur poitrine dure.

Après quoi, ils s’enlevèrent au plafond avec une légèreté de clown, et s’étendirent, tout contre les poutres blanches, dans leur étroite couchette de toile. En haut, au-dessus d’eux après chaque grande secousse, on entendait comme le passage d’une cataracte ; c’étaient les lames, les grandes masses d’eau qui balayaient le pont. Mais la rangée de leurs hamacs prit quand même le balancement lourd des rangées voisines en grinçant sur les crocs de fer, et eux s’endormirent profondément au milieu du grand bruit terrible.

… Bientôt, autour du hamac d’Yves, les femmes birmanes vinrent danser. Au milieu du nuage d’encens, rendu plus ténébreux par le rêve, elles arri-