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puis retour à la vie ascétique du large, à la séquestration sur le couvent flottant ; il y a tout cela sous-entendu derrière ces chiffres, ces noms et ces dates qui s’accumulent, année par année, sur un pauvre livret de marin. Tout un étrange grand poème d’aventures et de misères tient là entre les feuillets jaunis.

II

Le 28 août 1851, il faisait, paraît-il, un beau temps d’été à Saint-Pol-de-Léon, dans le Finistère.

Le soleil pâle de la Bretagne souriait et faisait fête à ce petit nouveau venu, qui devait plus tard tant aimer le soleil et tant aimer la Bretagne.

Yves apparut dans ce monde sous la forme d’un gros bébé tout rond et tout bronzé. Les bonnes femmes présentes à son arrivée lui donnèrent le surnom de Bugel-Du, qui, en français, signifie : petit enfant noir. C’était, du reste, de famille, cette couleur de bronze, les Kermadec, de père en fils, ayant été marins au long cours et gens fortement passés au hâle de mer.