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qu’un comme nous autres… Et elle demande, puisque vous naviguez ensemble, si vous voudrez veiller sur lui.

Alors la vieille femme me commença l’histoire du père d’Yves, histoire, que par Yves lui-même, je connaissais déjà depuis longtemps. Je l’écoutai volontiers cependant, contée par cette jeune fille, devant la grande cheminée bretonne où la flamme dansait sur une souche de hêtre.

— … Elle dit que notre père était un beau marin, si beau, qu’on n’avait jamais vu dans le pays un si bel homme marcher sur terre. Il est mort, nous laissant treize, treize enfants. Il est mort comme beaucoup de marins de nos pays, monsieur. Un dimanche qu’il avait bu, il est parti en mer le soir dans sa barque, malgré un grand vent qui soufflait du nord-ouest, et on ne l’a jamais vu revenir. Comme ses fils, il avait très bon cœur ; mais sa tête était bien mauvaise.

Et la pauvre mère regardait son fils Yves…

— Elle dit, continua la jeune fille, que mes parents habitaient Saint-Pol-de-Léon, dans le Finistère, qu’Yves avait un an, et que, moi, je n’étais pas encore venue quand notre père est mort ; alors