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lichens, les fraîches mousses de l’hiver. Au dedans, noires, sauvages, avec des lits en forme d’armoire gardés par des images de saints ou des bonnes vierges en faïence.

Nous étions reçus à cœur ouvert partout, et toujours il fallait manger et boire. Il y avait de longues conversations en breton, auxquelles, en mon honneur, on mêlait, tant bien que mal, un peu de français. C’était surtout de l’enfance d’Yves que l’on aimait à causer. Des bons vieux et des bonnes vieilles redisaient en riant ses mauvais tours d’autrefois, et ils avaient été nombreux, à ce que je vis.

— Oh ! Le mauvais gars, monsieur, que ça faisait !

Et lui recevait ces compliments avec son grand air calme et buvait toujours.

Le forban couvait déjà, paraît-il, sous le petit sauvage breton ; le petit Yves, qui sautait pieds nus dans ces sentiers de Plouherzel, était le germe inconscient du marin de plus tard, indompté et coureur de bordées.

Vers le soir, à marée basse, nous descendîmes, Yves et moi, dans le lit du lac d’eau marine, dans la prairie d’algues rousses. Nous emportions chacun une tartine de pain noir bien beurré et un