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nom. Pour en faire accroire aux gens de Plouherzel et garder la vraisemblance de mon costume d’emprunt, nous avions concerté cette intimité.

C’était fini du rayon de soleil d’hier et du grand vent de la nuit. Ce matin, il faisait un vrai temps de Bretagne, et tout ce pays était enveloppé d’une même immense nuée grise. Le jour était comme un crépuscule, et il semblait que cette lueur si blême n’eût pas la force d’entrer par les lucarnes des chaumières. On ne voyait plus rien des lointains, et une petite pluie lente était répandue dans l’air comme une fine poussière d’eau.

Nous avions à faire toute la tournée promise chez les oncles, les cousins, les amis d’enfance ; et ces chaumières étaient fort disséminées dans la campagne, Plouherzel n’étant pas un village, mais seulement une région autour d’une chapelle.

Les courses étaient longues, dans les sentiers humides, entre les talus couverts de mousse, sous la voûte des vieux hêtres morts et sous le voile du ciel gris.

Et toutes ces chaumières étaient pareilles, basses, enterrées, sombres : leur toit de paille, leurs murs de granit brut, tout verdis par les cochléarias, les