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MADAME CHRYSANTHÈME

donnant l’illusion de précipices effroyables au-dessus desquels nous aurions été suspendus ; — et les étoiles, renversées aussi, faisaient dans le fond du gouffre imaginaire comme un semis de petites taches de phosphore.

Puis tout ce Nagasaki s’illuminait à profusion, se couvrait de lanternes à l’infini ; le moindre faubourg s’éclairait, le moindre village ; la plus infime cabane, qui était juchée là-haut dans les arbres et que, dans le jour, on n’avait même pas vue, jetait sa petite lueur de ver luisant. Bientôt il y en eut, des lumières, il y en eut partout ; de tous les côtés de la baie, du haut en bas des montagnes, des myriades de feux brillaient dans le noir, donnant l’impression d’une capitale immense, étagée autour de nous en un vertigineux amphithéâtre. Et en dessous, tant l’eau était tranquille, une autre ville, aussi illuminée, descendait au fond de l’abîme. La nuit était tiède, pure, délicieuse ; l’air rempli d’une odeur de fleurs que les montagnes nous envoyaient. Des sons de guitares, venant des « maisons de thé » ou des mauvais lieux nocturnes, semblaient, dans l’éloignement, être des musiques suaves. Et ce chant des cigales, — qui est au Japon un des