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LES DERNIERS JOURS DE PÉKIN.

de Laï-Chou-Chien, de la région des tombeaux, qui ont fait de gaieté de cœur trois ou quatre jours de voyage pour venir figurer à cette fête française ! Derrière eux, annoncés par un crescendo des gongs, des cymbales, et de toutes les ferrailles diaboliques de la Chine, les grands dragons arrivent aussi, les bêtes rouges et les bêtes vertes, longues de vingt mètres. On a trouvé le moyen de les éclairer par en dedans ; elles ont l’air d’être incandescentes ce soir, les bêtes rouges et les bêtes vertes ; au-dessus des têtes de la foule, elles ondulent, elles se tordent, comme feraient des serpents de soufre, des serpents de braise, au milieu de quelque bacchanale de l’enfer bouddhique. Et l’immense décor que les eaux reflètent, le décor de palais et de pagodes aux toits multiples, aux angles cornus, est précisé toujours par ses lignes de feux rouges, dans la nuit sans lune, lourdement nuageuse. Et le donjon de l’Île des Jades, qui domine ici toutes choses, continue de lancer sa pluie d’étincelles, sur son piédestal de rochers et de vieux cèdres noirs.