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bien discrète ; la petite fiancée prit son Coran, qui posait sur une console, près de son lit art nouveau (ce Coran toujours enveloppé d’un mouchoir en soie de la Mecque et parfumé au santal, que chaque musulmane doit avoir à son chevet, spécialement pour ces prières-là, qui se disent la nuit), et toutes trois commencèrent à voix basse, dans un apaisement progressif ; la prière peu à peu les reposait, comme l’eau fraîche calme la fièvre.

Mais bientôt une grande femme vêtue de sombre, arrivée comme toujours sans bruit de pas, sans bruit de porte ouverte, à la manière des fantômes, se dressa près d’elles :

— Votre grand’mère commande d’éteindre la veilleuse…

— C’est bien, madame Husnugul. S’il vous plaît, éteignez-la vous-même, puisque nous sommes couchées, et ayez la bonté d’expliquer à notre grand’mère que ce n’était pas pour lui désobéir ; mais nous disions les prières des morts…

Il était bientôt deux heures de la nuit. Une fois la veilleuse éteinte, les trois jeunes filles, épuisées d’émotions, de regrets et de révolte, s’endormirent en même temps, d’un bon sommeil tranquille, comme celui des condamnés la veille du matin suprême.