Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/79

Cette page n’a pas encore été corrigée

petite princesse, ce verset du Coran (1) que chaque musulmane doit avoir à son chevet, qui la suit depuis l’enfance et qui est comme une continuelle prière protectrice de sa vie ; son verset, à elle, était, sur fond de velours vert-émir, une ancienne et admirable broderie d’or, dessinée par un célèbre calligraphe du temps passé, et il disait cette phrase, aussi douce que celles de l’Évangile : « Mes péchés sont grands comme les mers, mais ton pardon plus grand encore, ô Allah ! » Longtemps après que la jeune fille avait cessé de croire, l’inscription sainte, gardienne de son sommeil, avait continué d’agir sur son âme, et une vague confiance lui était restée en une suprême bonté, un suprême pardon. Mais c’était fini maintenant ; ni avant ni après la mort, elle n’espérait plus aucune miséricorde, même imprécise : non, seule à souffrir, seule à se défendre, et seule responsable !… En ce moment donc, elle se sentait prête aux résolutions extrêmes.

(1) L’« ayette ».

Mais encore, quel parti prendre, quoi ?… Fuir ? Mais comment, et où ?… À minuit, fuir au hasard, par les rues effrayantes ?… Et chez qui trouver asile, pour n’être pas reprise ?…

Zeyneb cependant, qui ne dormait pas non plus, parla tout bas. Elle venait de se rappeler qu’on était à certain jour de la semaine nommé par les Turcs Bazar-