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dans les rues de Constantinople, — ou même seulement d’aller jusque dans ce cimetière, sous leur fenêtre… Mais, le soir, une musulmane n’a point le droit de sortir…

Le silence, l’absolu silence enveloppait par degrés leur vieux quartier de Khassim-Pacha, aux maisons closes. Tout se figeait autour d’elles. La rumeur de Péra, — où il y a une vie nocturne comme dans les villes d’Europe, — mourait bien avant d’arriver ici. Quant aux voix stridentes de tous ces paquebots, qui fourmillent là-bas devant la Pointe-du-Sérail, on en est toujours délivré même avant l’heure de la cinquième prière, car la navigation du Bosphore s’arrête quand il fait noir. Dans ce calme oriental, que ne connaissent point nos villes, un seul bruit de temps en temps s’élevait, bruit caractéristique des nuits de Constantinople, bruit qui ne ressemble à aucun autre, et que les Turcs des siècles antérieurs ont dû connaître tout pareil : tac, tac, tac, tac ! sur les vieux pavés ; un tac, tac amplifié par la sonorité funèbre des rues où ne passait plus personne. C’était le veilleur du quartier, qui, au cours de sa lente promenade en babouches, frappait les pierres avec son lourd bâton ferré. Et dans le lointain, d’autres veilleurs répondaient en faisant de même ; cela se répercutait de proche en proche, par toute la ville immense, d’Eyoub aux Sept-Tours, et, le long du Bosphore, de