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autre, qu’importe, puisqu’il faudra toujours finir par en épouser un ! "

Naguère, elle avait entendu des amies à elle parler ainsi, la veille de leur mariage ; leur passivité l’avait écœurée, et voici qu’elle finissait de même… « Puisque ce ne sera pas celui que j’aurais choisi et aimé, disait l’une, n’importe qu’il s’appelle Mehmed ou Ahmed ! N’aurai-je pas des enfants, pour me consoler de sa présence ? » Une autre, une toute jeune, qui avait accepté le premier prétendant venu, s’en était excusée en ces termes : « Pourquoi pas le premier au lieu du suivant, que je ne connaîtrais du reste pas davantage ?… Que dire pour le refuser ?… Et puis, quelle histoire, pense donc, ma chère !… » Ah ! non, l’apathie de ces petites-là lui avait semblé incompréhensible, par exemple : se laisser marier comme des esclaves !… Et voici qu’elle-même venait de consentir à un marché pareil, et c’était demain, le jour terrible de l’échéance. Par lassitude de toujours refuser, de toujours lutter, elle avait, comme les autres, fini par dire ce oui qui l’avait perdue, au lieu du non qui l’aurait sauvée, au moins pour quelque temps encore. Et à présent, trop tard pour se reprendre, elle arrivait tout au bord de l’abîme : c’était demain !

Maintenant elles pleuraient ensemble, toutes les trois ; elles pleuraient les larmes qui avaient été contenues pendant bien des jours par la fierté de l’épousée ; elles