Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/62

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

entraient presque horizontalement à travers les éternels quadrillages des fenêtres. C’était bien le déclin de ce jour, et l’effroi la prit tout à coup à l’idée d’être seule, — comme elle l’avait souhaité cependant, — pour cette dernière soirée. Vite elle courut chez sa grand’mère, solliciter une permission qu’elle obtint, et vite elle écrivit à ses cousines, leur demandant comme en détresse de venir coûte que coûte lui tenir compagnie ; — mais rien qu’elle deux, pas les autres petites demoiselles d’honneur campées dans leur chambre ; rien qu’elles deux, Zeyneb et Mélek, ses amies d’élection, ses confidentes, ses sœurs d’âme. Elle craignait que leur mère ne permît pas, à cause des autres invitées ; elle craignait que l’heure ne fût trop tardive, le soleil trop bas, les femmes turques ne sortant plus quand il est couché. Et, de sa fenêtre grillée, elle regardait le vieil Ismaël qui courait porter le message.

Depuis quelques jours, même vis-à-vis de ses cousines qui en avaient de la peine, elle était muette sur les sujets graves, elle était murée et presque hautaine ; même vis-à-vis de ces deux-là, elle gardait la pudeur de sa souffrance, mais à présent elle ne pouvait plus ; elle les voulait, pour pleurer sur leur épaule.

Comme il baissait vite, ce soleil du dernier soir ! Auraient-elles le temps d’arriver ? Au-dessus de la rue, pour voir de plus loin, elle se penchait autant