Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/440

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LVI


Une longue lettre de Zeyneb lui parvint trois jours après, contenant une enveloppe fermée, sur laquelle son nom, « André », avait été écrit encore de la main de Djénane.


LETTRE DE ZEYNEB

André, toutes mes souffrances, toutes mes détresses n’étaient que joie tant que son sourire les éclairait ; tous mes jours noirs s’illuminaient d’elle : je le comprends à présent qu’elle n’y est plus…

Voici une semaine bientôt qu’elle est couchée sous de la terre… Jamais je ne reverrai ses yeux profonds et graves où son âme paraissait, jamais je n’entendrai plus sa voix, ni son rire d’enfant ; tout sera morne autour de moi jusqu’à la fin : Djénane est couchée dans la terre… Je ne le crois pas encore, André, et pourtant j’ai touché ses petites mains froides, j’ai vu son sourire figé, ses dents nacrées entre ses lèvres de marbre… C’est moi qui suis allée près d’elle la première, qui ai pris la suprême lettre qu’elle avait écrite, la lettre pour vous, froissée et tordue entre ses doigts… Je ne le crois pas encore, et pourtant je l’ai