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LIII


Le jeudi 30 novembre est arrivé, prompt et sans merci, comme arriveront empressées toutes les dates décisives ou fatales, non seulement pour chacun de nous celle où il faudra mourir, mais celles après qui verront tomber les derniers de notre génération, finir l’Islam et disparaître nos races au déclin, puis celles encore qui amèneront la consommation des Temps, l’anéantissement et l’oubli des tourbillons de soleils dans les souveraines Ténèbres…

Vite, vite il est arrivé ce jeudi 30 novembre, date quelconque et inaperçue pour la majorité des êtres si divers que Constantinople voit s’agiter dans ses foules ; mais, pour Djénane, pour André, date marquant un de ces tournants brusques où la vie change.

À l’aube froide et grise, tous deux s’éveillèrent presque en même temps, tous deux sous le même ciel, dans la même ville pour quelques heures encore,