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poste restante est maintenant trop surveillée ; en ces temps de terreur que nous traversons, plus personne na le droit d’entrer dans les bureaux sans se nommer. Notre correspondance au contraire sera très sûre par le chemin que j’ai imaginé ; un peu long seulement ; ne vous étonnez donc pas si nous tardons quelquefois quinze jours à vous répondre. »

Djénane exposait avec sang-froid ses plans pour au moins apercevoir encore son ami, le soir même de ce 30 novembre : « À quatre heures de l’horloge de Top-hané, qui est l’heure où les paquebots partent, nous passerons toutes deux le long du quai. Ce sera dans la plus ordinaire des voitures de louage, vous m’entendez bien. Nous passerons aussi près que possible du bord ; vous, de la dunette où vous vous tiendrez, veillez bien tous les fiacres pour ne pas nous manquer ; il y a toujours foule par là, vous savez, et, comme des femmes turques n’ont jamais le droit de s’arrêter, ça durera le temps d’un éclair, notre adieu… »

Ce soir, c’était leur rayon de soleil en face qui devait leur marquer le moment précis de la séparation ; quand il disparaîtrait au faîte du toit, André se lèverait pour partir : ils étaient convenus de cela dès le début ; ils s’étaient accordé cette limite extrême, après laquelle tout serait fini.

André, qui d’avance s’était figuré les trouver dou-