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lui, on n’était vraiment plus à Péra ; très loin de la « grand-rue » tapageuse, on dominait ce bois de vieux cyprès odorants, qui est enclavé dans la ville et s’appelle le petit champ-des-morts, et on avait Stamboul, avec ses dômes, dressé en face de soi sur tout l’horizon.

La nuit descendit peu à peu sur la Turquie, une nuit sans lune, mais très étoilée. Stamboul, dans l’obscurité, se drapa de magnificence, redevint comme chaque soir une imposante découpure d’ombre sur le ciel. Et la clameur des chiens, le heurt du bâton ferré des veilleurs, commencèrent de s’entendre dans le silence. Et puis, ce fut l’heure des muezzins, et, de toute cette ville fantastique, étalée là-bas, s’éleva l’habituelle symphonie des vocalises en mineur, hautes, faciles et pures, ailées comme la prière même.

La première nuit, cette année, qui fut une vraie nuit de langueur et d’enchantement. André, de sa fenêtre, l’accueillit avec moins de joie que de mélancolie:son dernier été commençait…

Le lendemain, à son ambassade, on lui annonça comme très prochaine l’installation de tous les ans à Thérapia. Pour lui, cela équivalait presque au grand départ de Constantinople, puisqu’il n’y reviendrait que pour quelques tristes journées, à la fin de la saison, avant de quitter définitivement la Turquie.

D’ailleurs, Turcs et Levantins s’agitaient déjà pour l’émigration