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transparentes, quand elle avait pris la peine de cacheter si soigneusement ses grands reproches amoureux de l’autre jour !

Ainsi avait décidément tourné, contre son attente, cette étrange et paisible amitié de l’année dernière, avec trois femmes, qui, au début, ne devaient former qu’une indissoluble petite trinité, une seule âme, à jamais sans visage. Ce résultat l’épouvantait bien, mais le charmait aussi; en ce moment, il se sentait incapable de dire s’il préférait que ce fût ainsi ou que ce ne fût pas…

"Quand revient-elle ? demanda-t-il.

— Aux premiers jours de mai, répondit Zeyneb. Nous devons nous réinstaller, comme l’année dernière, dans notre yali de la côte d’Asie. Nos humbles projets sont d’y passer encore un dernier été ensemble, si la volonté de nos maîtres ne vient pas nous séparer par quelque mariage avant l’automne. Je dis dernier, parce que moi, l’hiver sans doute m’emportera, et, dans tous les cas, les deux autres, l’été prochain, seront remariées.

— Ça, on verra bien ! " dit Mélek, avec un sombre défi.

Pour André également, ce serait le dernier été du Bosphore. Son poste à l’ambassade prenait fin en novembre, et il était décidé à suivre passivement sa destinée, un peu par fatalisme, et puis aussi parce qu’