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glaces, —et de stationner longuement pour se regarder les unes les autres, ce qui est interdit les jours ordinaires. De Bayazid à Chazadé-Baché, un parcours d’un kilomètre environ, au centre de Stamboul, en pleine turquerie, par les rues d’autrefois qui longent les colossales mosquées, et les enclos ombreux pour les morts, et les saintes fontaines. Dans ces quartiers habituellement calmes, si peu faits pour les élégances modernes, quelle anomalie que ces files de voitures, assemblées le jour de la mi-Ramazan ! Par centaines, des coupés des landaus, arrêtés ou marchant au petit pas ; il en était venu de tous les quartiers de l’immense ville, même des palais échelonnés le long du Bosphore. Et là-dedans, rien que des femmes, très parées ; le yachmak qui voile jusqu’aux yeux, assez transparent pour laisser deviner le reste du visage ; toutes les beautés des harems, presque visibles aujourd’hui par exception, les Circassiennes roses et blondes, les Turques brunes et pâles. Très peu d’hommes rôdant autour des portières ouvertes, et pas un Européen:de l’autre côté des ponts, à Péra, on ignore toujours ce qui se passe dans Stamboul.

André chercha ses trois amies qui, paraît-il, avaient fait grande toilette pour lui plaire ; il les chercha longtemps, et ne put les découvrir, tant il y avait foule. À l’heure où les promeneuses reprenaient le chemin des harems jaloux, il s’en alla un peu déçu; mais,