amitié surtout protectrice… On trouve des hommes ainsi, dans votre monde, n’est-ce pas ?
Des existences où il n’y a rien ! Sentez-vous toute l’horreur de cela ? De pauvres âmes, ailées maintenant, et que l’on tient captives ; des cœurs où bouillonne une jeune sève, et auxquels l’action est interdite, qui ne peuvent rien faire, pas même le bien, qui se dévorent ou s’usent en rêves irréalisables. Vous représentez-vous les jours mornes que couleraient vos trois amies, si vous n’étiez pas venu, leurs jours tous pareils, sous la tutelle vigilante de vieux oncles, de vieilles femmes dont elles sentent constamment peser la désapprobation muette.
Du drame de mon mariage que je vous ai conté, il restait, tout au fond de moi-même, la rancune contre l’amour (du moins l’amour tel qu’on l’entend chez nous), le scepticisme de ses joies, et à mes lèvres une amertume ineffaçable. Cependant je savais à peu près déjà qu’il était autre en Occident, l’amour qui m’avait tant déçue, et je me mis à l’étudier avec passion dans les littératures, dans l’histoire, et, comme je l’avais pressenti, je le vis inspirateur de folies, mais aussi des plus grandes choses ; c’est lui que je trouvai au cœur de tout ce qu’il y a de mauvais dans ce monde, mais aussi de tout ce qu’il y a de bon et de sublime… Et plus amère devint ma tristesse, à mesure que je percevais mieux le rayonnement de la femme latine. Ah ! qu’elle était heureuse, dans vos pays, cette créature pour qui depuis des siècles on a pensé, lutté et souffert ; qui pouvait librement aimer et choisir, et qui, pour se donner, avait le droit d’exiger qu’on le méritât. Ah ! quelle place elle tenait chez vous dans la vie, et combien était incontestée sa royauté séculaire !
Tandis que, en nous les musulmanes, presque tout sommeillait encore. La conscience de nous-mêmes, de