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À Sultan-Selim, où il arriva sous l’accablement de deux heures, l’impasse était inquiétante de sonorité et de solitude. Derrière la porte au frappoir de cuivre, il trouva Mélek en faction, qui lui sourit comme une bonne petite camarade, heureuse de le revoir enfin. Son voile était mis en simple et sa figure se voyait à peu près comme celle d’une Européenne en voilette de deuil. En haut, il trouva Zeyneb arrangée pareillement et, pour la première fois, il vit briller ses prunelles brunes, il rencontra le regard de ses jeunes yeux graves et doux. Mais, ainsi qu’il s’y attendait, Djénane persistait à n’être qu’une svelte apparition noire, absolument sans visage.

La question qu’elle lui posa, d’un petit ton drôle, dès qu’il fut assis sur le modeste divan décoloré :

"Eh bien ! comment va votre ami Jean Renaud ?…

— Mais parfaitement, je vous remercie, répondit-il de même ; vous savez son nom ?

— On sait tout, dans les harems. Exemple:je puis vous dire que vous dîniez hier au soir chez madame de Saint-Enogat, à côté d’une personne en robe rose; que vous vous êtes isolés après, tous deux, sur un banc du jardin et qu’elle a accepté une de vos cigarettes au clair de lune. Ainsi de suite… Tout ce que vous faites, tout ce qui vous arrive, nous savons… Alors, vous m’assurez qu’il va toujours bien, monsieur Jean Renaud ?