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platanes plusieurs fois centenaires. Des places de village, où des filets sèchent, pendus aux ramures qui font voûte, et où des rêveurs à turbans sont assis autour de quelque fontaine de marbre, inaltérablement blanche avec pieuses inscriptions et arabesques d’or.

Quand on descend vers Constantinople, venant de Thérapia et de l’embouchure de la Mer Noire, cette féerie légendaire du Bosphore se déroule peu à peu en crescendo de magnificence, jusqu’à l’apothéose finale, qui est au moment où s’ouvre la Marmara : alors sur la gauche apparaît Scutari d’Asie, et, sur la droite, au-dessus des longs quais de marbre et des palais du Sultan, le haut profil de Stamboul se lève avec ses amas de flèches et de coupoles.

Tel était le décor à changements et à surprises dans lequel André Lhéry devait vivre jusqu’à l’automne, et attendre ses amies, les trois petites ombres noires, qui lui avaient dit : « Nous serons aussi pendant l’été au Bosphore », mais qui depuis tant de jours ne donnaient plus signe de vie. Et comment savoir à présent ce qu’elles étaient devenues, n’ayant pas le mot de passe pour leur vieux palais perdu dans les bois de Macédoine ?