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« Marchez, nous vous suivrons », avait écrit « Zahidé ». Donc, il prit les devants, d’un pas un peu indécis, s’engagea, —par des sentiers funèbres et doux, toujours entre des arceaux grillés laissant voir la multitude des pierre tombales, —dans une partie plus humble, plus ancienne aussi et plus éboulée du cimetière, où les morts sont un peu comme en forêt vierge. Et, arrivé tout de suite au pied de la colline, il se mit à monter. À une vingtaine de pas, suivaient les trois petits fantômes, et, beaucoup plus loin, Jean Renaud, chargé de faire le guet et donner l’alarme.

Ils montaient, sans sortir pour cela des cimetières infinis, qui couvrent toutes les hauteurs d’Eyoub. Et, peu à peu, un horizon de Mille et une Nuits se déployait alentour ; on allait bientôt revoir tout Constantinople qui surgissait dans les lointains, au-dessus de l’enchevêtrement des branches, comme pour monter avec eux. Ce n’était plus un bocage, ainsi que dans le bas-fond autour du sanctuaire, une mêlée d’arbustes et de plantes ; non, sur cette colline, l’herbe s’étendait rase, et il n’y avait, parmi les innombrables tombes, que des cyprès géants qui laissaient entre eux beaucoup d’air, beaucoup de vue.

Ils étaient maintenant tout en haut de cette tranquille solitude ; André s’arrêta, et les trois sveltes formes noires sans visage l’entourèrent :

« Pensiez-vous nos revoir ? » demandèrent-elles presque