Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/127

Cette page n’a pas encore été corrigée

il est sournois:défiez-vous. Et, à partir de cette heure, veillez à ne pas vous embrouiller entre nous trois. »

Tous ces noms, il va sans dire, étaient d’emprunt, et André s’en doutait bien. Il n’y avait plus de Néchédil ou d’Ikbal que de Zahidé. Le second tcharchaf cachait le visage régulier, grave au regard un peu visionnaire, de Zeyneb, l’aînée des « cousines » de la mariée. Quant au troisième, dit sournois, si André avait pu soulever l’épais voile de deuil, il aurait rencontré là-dessous le petit nez en l’air et les grands yeux rieurs de Mélek, la jeune Turque aux cheveux roux qui avait prétendu jadis que « le poète devait être plutôt marqué ». Il est vrai, une Mélek bien changée depuis ce temps-là, par de précoces souffrances et des nuits passées dans les larmes; mais une Mélek si foncièrement gaie de tempérament que, même ses longues détresses n’avaient pu éteindre l’éclat de son rire.

« Quelle idée pouvez-vous bien avoir de nous ? —demanda » Zahidé", après le silence qui suivit les présentations.—Quelles sortes de femmes imaginez-vous que nous sommes, de quelle classe sociale, de quel monde ?… Allons, dites.

— Mon Dieu,… je vous préciserai mieux ça plus tard… Je ne vous le cacherai pas cependant, je commence bien à me douter un peu que vous n’êtes pas des femmes de chambre.