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âme par la lecture de Medjé, et solliciter quelques mots de réponse tracés de votre main ?

Eh bien ! cette même Turque, devenue ambitieuse, veut aujourd’hui plus encore. Elle veut vous voir, elle veut connaître l’auteur aimé de ce livre, lu cent fois et avec plus d’émotion toujours. Voulez-vous que nous nous rencontrions jeudi à deux heures et demie au Bosphore, côte d’Asie, entre Chiboukli et Pacha-Bagtché ? Vous pourriez m’attendre au petit café qui est près de la mer, juste au fond de la baie.

Je viendrai en tcharchaf sombre, dans un talika[1] ; je quitterai ma voiture, vous me suivrez, mais vous attendrez que je vous parle la première. Vous connaissez mon pays, vous savez donc combien je risque. Je sais de mon côté que j’ai affaire en vous à un galant homme. Je me fie à votre discrétion.

Mais peut-être avez-vous oublié « Medjé » ? Et peut-être ses sœurs ne vous intéressent-elles plus ?

Si cependant vous désirez lire dans l’âme de la Medjé d’aujourd’hui, répondez-moi, et à jeudi.

Mme ZAHIDÉ
Poste restante, Galata.


Il tendit en riant la lettre à son ami et passa aux suivantes.

— Emmenez-moi jeudi avec vous ! — supplia Jean Renaud, dès qu’il eut fini de lire. — Je serai bien sage, — ajouta-t-il, du ton d’un enfant, — bien discret ; je ne regarderai pas…

  1. Voiture turque de louage, du modèle usité à la campagne. (On dit aussi mohadjir.)