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rond où avaient habité son âme, ses chères pensées…

Vraiment les brisures de cette tombe augmentaient son attachement désolé et son remords, ne lui étaient plus tolérables ; la laisser ainsi, il ne s’y résignait pas… Étant presque du pays, il savait quelles difficultés, quels dangers offrait l’entreprise : un chrétien toucher à la tombe d’une musulmane, dans un saint cimetière… À quelles ruses de malfaiteur il faudrait recourir, malgré l’intention pieuse !… Il décida cependant que cela se ferait ; il resterait donc encore en Turquie, tout le temps nécessaire pour réussir, même des mois au besoin, et ne repartirait qu’après, quand on aurait changé les pierres brisées, quand tout serait relevé et consolidé pour durer…


Rentré à Péra le soir, il trouva chez lui Jean Renaud, un de ses amis de l’ambassade, un très jeune, qui s’émerveillait ici de toutes choses, et dont il avait fait son intime, à cause de cette commune adoration pour l’Orient.

Il trouva aussi tout un courrier de France sur sa table, et une enveloppe timbrée de Stamboul, qu’il ouvrit d’abord.

La lettre disait :


Monsieur,

Vous rappelez-vous qu’une femme turque vous écrivit une fois pour vous dire les émotions éveillées en son