percée dans la grande muraille byzantine, au bout de quartiers que l’on abandonne, de rues qui se meurent d’immobilité et de silence. Il lui fallait traverser presque tout Stamboul, et on commença par monter des rampes où les chevaux glissaient. D’abord défilèrent ces quartiers grouillants de monde, pleins de cris et de marchandages, qui avoisinent le bazar et que les touristes fréquentent. Puis vinrent, un peu déserts ce jour-là sous la brise glacée, ces sortes de steppes qui occupent le plateau du centre et d’où l’on aperçoit des minarets de tous côtés et des dômes. Et après, ce furent les avenues bordées de tombes, de kiosques funéraires, d’exquises fontaines, les avenues de jadis où rien n’avait changé ; l’une après l’autre, les grandes mosquées passèrent avec leurs amas de coupoles pâlement grises dans le ciel encore hivernal, avec leurs vastes enclos pleins de morts, et leurs places bordées de petits cafés du vieux temps où les rêveurs s’assemblent après la prière. C’était l’heure où les muezzins appelaient au troisième office du jour ; on entendait leurs voix tomber de là-haut, des frêles galeries aériennes qui voisinaient avec les nuages froids et sombres… Stamboul existait donc encore… À le retrouver tel qu’autrefois, André Lhéry, tout frissonnant d’une indicible et délicieuse angoisse, se sentait replongé peu à peu dans sa propre jeunesse ; de plus en plus il se sentait quelqu’un qui revivait, après des
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