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affranchi de la discipline, se promène avec eux, tout courbé sous sa longue chevelure blanche, marmottant de continuels chapelets.

En bas, au pied des grands remparts, dans les tristes jardins murés, on a une impression de printemps oriental ; les oliviers gris, les amandiers tout blancs de fleurs et les poiriers tout roses se détachent en nuances fraîches et claires sur ces implacables fonds de granit rouge, dentelés, striés, qui remplacent ici le ciel — le ciel si haut monté qu’on l’oublie… Et il est singulier, ce printemps-là, qu’on sent venu uniquement pour ce jardin artificiel et pour ce cimetière planté d’arbres, puisque nulle part ailleurs il ne trouvera rien à reverdir, dans l’infini des sables et des pierres mortes…



C’est notre dernier jour ici. Au soleil couchant, nous montons, comme chaque soir, sur ses plus hautes terrasses d’où l’on aperçoit, par une fissure entre les granits immenses, un coin d’horizon. Cette fois, c’est pour interroger des yeux la petite échappée visible de ce désert où nous retournerons demain : le ciel là-bas est calmé, tranquille, pur, et aucune tempête nouvelle n’est à prévoir de ce côté, pour notre départ.