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nous entrons là une dernière fois, pieds nus, traînant sur les tapis nos dalmatiques blanches.

Tout y est tel qu’hier, et qu’il y a mille ans. La toute petite fenêtre, profonde comme une percée de remparts, envoie sa même lueur, à travers ses archaïques verrières, sur les faïences et les orfèvreries des murs. Les saints, les martyrs, regardent de même, du fond de leurs auréoles de pierreries et d’or. Et, à nos yeux, ce moine aux longs cheveux roux et au beau visage pur, est devenu tout à fait le Christ, — le Christ, en simple robe noire au milieu de ces richesses amoncelées, qui est là près de nous, qui vit et se meut ; sa présence ne surprend même plus, dans ce cadre des premiers siècles, évocateur d’ombres saintes…



Un autre lieu de spectres et de poussière est une salle demi-obscure, attenante à cette bibliothèque des parchemins grecs où sont conservés les évangiles écrits par l’empereur Théodose. Salle de travail, pour les moines et leurs visiteurs. Par des arceaux en plein cintre, elle s’éclaire vaguement à la mode mauresque sur une cour intérieure ; une admirable fontaine persane en marbre y est posée