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chaud, malgré la neige encore amoncelée dans les recoins d’ombre.



Après la liturgie, le Père Daniel vient à nous. Son français, appris en deux mois dans un livre, est enfantin encore ; il conjugue toujours les verbes rapidement et à voix basse, avant de s’en servir. Me montrant une peau fraîche de panthère qui sèche au soleil : « Cela, monseigneur… » Puis il se dépêche de conjuguer à voix basse : « Je mange, tu manges, il mangé, nous mangeons, etc. », et reprend, sûr de lui-même : « Cela, monseigneur, il mangé chameau ! Oui, oui, cela petit, il mangé chameau ! » Elles sont nombreuses, ces bêtes, nous dit-on, dans la partie du désert où nous allons nous engager maintenant.



La basilique, d’où les moines viennent de sortir, est remplie ce matin de tout l’encens du dimanche, qui flotte encore, en léger nuage gris, à mi-hauteur de colonnes. Nous y trouvons le Frère au beau visage de cire et aux longs cheveux en boucles, qui nous