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XIV

Samedi 3 mars.

Encore un vent glacé, qui balaye le ciel étincelant de lumière. Cependant nous voyons fondre peu à peu la neige aux plis des rouges granits surplombants.

Dans nos chambrettes pauvres, où ce vent filtre par tous les joints des vieux bois, il fait un froid mortel. Et nous préférons employer dehors nos heures de retraite, à errer sur les petites terrasses ou sous les petites voûtes, dans les petits escaliers ou le long des petites galeries très vieilles qui mènent aux minuscules chapelles des anciens âges. Le silence est inouï ; on est dans des ruines, chez des morts. Et comme cette nécropole gît à deux mille mètres de haut, au milieu de contrées dépourvues de toute vie humaine ou animale, l’air qui y passe est irrespiré, presque vierge.