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matin. Cette décision prise, nous avons une impression de paix et d’attente mélancolique, dans cette « demeure de la solitude » qui va rester la nôtre pour tant d’heures encore.

Cherchant le dernier soleil de la journée, nous allons errer sur les plus hauts remparts. Quatre heures à peine, et déjà ce soleil va disparaître derrière les effrayants granits qui encombrent le ciel, écrans monstrueux découpés au-dessus de nos têtes avec une netteté si dure, dominant et écrasant tout.

Il se cache, le soleil, masqué subitement par l’une de ces vertigineuses dentelures de roches, et aussitôt l’ombre nous envahit, très froide, tandis que la dentelure pareille d’en face demeurera longtemps encore éclairée, fulgurante, vue de la demi-obscurité où nous sommes, et d’un rouge presque infernal sur le bleu cru du ciel.



Le père Daniel, qui a fini ses devoirs religieux, vient alors nous proposer de descendre avec lui dans les jardins, et nous nous enfonçons une fois de plus dans cette sorte de puits, qui est le monastère, pour sortir de ses murailles. Il fait de plus en plus froid ; il faut se draper et tenir à deux mains ses burnous, que le vent tourmente.