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de la propre main de saint Basile ou de saint Chrysostome, évangiles calligraphiés par l’empereur Théodose… Et la poussière les ronge de siècle en siècle ; et la neige des hivers, qui fond sur les toits, y dessine des taches noires, en suintant — comme aujourd’hui — à travers la pourriture des plafonds.



Sortis de l’humidité glacée des cloîtres et des chapelles, nous allons nous promener autour des remparts, sur les chemins de ronde, sur les hautes terrasses blanchies à la chaux où le soleil d’Arabie flambe et brûle, malgré le vent cinglant et malgré la neige voisine.

La vue plonge de là-haut sur des précipices de granit rouge, au fond desquels, dans l’ombre froide, sont attroupés une centaine de Bédouins en haillons noirâtres, affamés venus des lointains du désert : c’est que tout à l’heure va se faire la distribution de pain, qui a lieu trois fois par semaine. Jamais, jamais les moines ne laissent un Bédouin franchir les portes étroites du couvent, de peur, sans doute, qu’il n’en aperçoive les richesses. Mais deux frères d’ordre inférieur se tiennent dans l’une des