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pierreries accrochées au mur, sous la profusion des lampes d’argent et d’or qui descendent du plafond bas. Des Saintes rigides, en robes de vermeil, dont le visage reste dans un effacement sombre sous leurs barbares couronnes étincelantes, nous regardent entrer. Nous avions prévu leurs regards, sans doute, et c’était pour elles nos recherches de costume oriental ; vraiment nous nous serions sentis profanateurs envers les artistes enfantins et splendides d’autrefois, peintres, émailleurs ou orfèvres, si nous étions venus ici dans les vêtements de notre siècle mesquin et impie. Jamais, nulle part, nous n’avions eu si complète encore l’impression d’un recul dans l’antérieur des âges. Les générations, les peuples et les empires ont coulé comme des fleuves, depuis que ces petites choses précieuses sont là, tranquilles aux mêmes places, brillant d’un éclat pareil, très lentement terni. Même ce moine qui nous accompagne, avec ses longs cheveux roux couvrant ses épaules, et sa pâle beauté d’ascète, doit être en tout semblable aux illuminés des époques premières, et ses conceptions doivent s’éloigner infiniment des nôtres. Même ce vague reflet de soleil, qui arrive par l’unique petite fenêtre, amoindri dans l’épaisseur du mur, et qui dessine comme un cercle spectral sur les icônes et les faïences, a l’air d’être quelque