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De la neige étincelante saupoudre encore toutes ces choses ; elle couronne d’un velours blanc le dessus de tous les vieux murs ; elle indique çà et là d’une raie blanche les stries de tous les granits formidables — que l’on suit, en levant beaucoup la tête, dans leur montée vers le zénith éblouissant.

Et toujours le même silence inouï enveloppe ce fantôme de monastère, dont l’antiquité s’accentue encore sous ce soleil et sous cette neige. On sent que c’est vraiment bien là cette « demeure de la solitude » entourée partout de déserts.



Sur notre véranda paisible et ensoleillée, nous nous promenons vêtus comme Aladin, ayant fait apporter du camp, par déférence pour les moines, nos plus belles robes de soie d’Asie. Nous nous disons même que nos costumes, dont les couleurs s’avivent les unes par les autres, doivent faire bien sur le fond des vieilles chaux blanches et des rouges granits. Mais personne n’est là pour nous voir…

De temps à autre, un moine à cheveux blancs et à vêtements noirs, d’une allure cassée, monte ou descend par l’un des petits escaliers de ce labyrinthe, puis s’enfonce sous quelque voûte, et disparaît sans