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les maisons turques les plus humbles : murs à la chaux blanche, plafonds et fenêtres en bois non peint que le temps a noirci, divans larges recouverts de vieilles indiennes aux fleurs fanées. Et chacun de nous a chez soi, sur sa muraille nue, une modeste icône encadrée de bois blanc devant laquelle une veilleuse brûle.

Sur nos divans très durs, qui ont dû servir à coucher des quantités de pèlerins, on étend des draps, des couvre-pieds raides comme du carton, et nous nous couchons là, ravis du logis, écoutant le vent et la neige en tourmente dehors, songeant à nos tentes restées en bas, à nos pauvres Bédouins, à nos pauvres chameaux qu’il a été impossible de faire entrer et qui gisent sans abri, sous un suaire de neige.

Tandis que vient le sommeil, je regarde autour de ma tête les inscriptions dont la chaux du mur est criblée : noms de pèlerins qui sont venus ici de tous les coins du monde, des noms russes, des noms grecs, des noms arabes — et un seul nom français : « Prince de Beauvau, 1866. »

Peu à peu, le vent s’apaise — et un silence profond s’épand avec la nuit sur la demeure de la solitude