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Nous acceptons l’offre, retenant le moine, pour lui faire partager notre repas du soir, avant de nous rendre là-haut avec lui. Et nous nous mettons à table ensemble, au vent glacial, tandis que nos Bédouins font constamment tomber la neige qui s’amoncelle en poids dangereux sur nos tentes.

Mais voici que nous arrive, avec effarement, le frère portier, tenant un grand fanal et des clefs énormes : « Jamais, dit-il en grec, jamais au grand jamais la porte du couvent n’est restée si tard ouverte ! Par faveur toute spéciale on nous a attendus jusqu’à cette heure ; cependant il faut venir tout de suite, sous peine d’être abandonnés pour la nuit dans la tourmente du dehors. »

Donc, laissant tout, nous nous hâtons de partir, en cortège, aux lanternes. Il faut retenir à deux mains nos burnous envolés, et tout en enfonçant jusqu’aux chevilles dans les épaisseurs blanches, grimper, grimper, dans la nuit trouble, entre des blocs et des éboulements de granit.

Un quart d’heure, vingt minutes d’ascension, pieds nus, nos babouches perdues, glissant à chaque pas sur la neige.

Enfin un mur est devant nous, qui semble gigantesque, mais dont le sommet se perd dans l’obscurité, et une petite porte s’ouvre là-dedans, toute basse,