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pement a un air de désarroi lamentable, sous ces rafales qui le secouent pour l’emporter et sous cette neige qui maintenant tombe en tourmente. Tremblant de froid, dans nos burnous mouillés, nous descendons de nos grandes bêtes, qui souffrent et qui se plaignent, inquiètes de cette obscurité blanche, de ce vent cinglant, de ces trop hautes montagnes…

Vraiment la situation semble impossible à tenir ici pendant la nuit qui s’annonce, et, par un messager, j’envoie au Supérieur du couvent une lettre de recommandation spéciale que le patriarche du Caire a bien voulu me donner pour lui. Je lui fais savoir en même temps notre détresse, lui demandant de nous laisser camper plus près, quelque part à l’abri des rafales, tout contre ses murs.



La réponse nous est bientôt apportée par un jeune père en robe noire, qui parle un peu le français : « Il n’y a pas, dit-il, de lieu de campement plus rapproché ; dans la gorge où le couvent est bâti, on ne trouverait pas la largeur d’une tente entre les roches et les remparts. Mais, si nous voulons, nous pouvons coucher au couvent même et y résider tant que bon nous semblera. »