Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/53

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est vite traversé par l’eau ruisselante — et nous voici tremblants nous-mêmes, les dents serrées, les mains douloureuses et inertes, transis mortellement.

Pendant une accalmie, nous plantons la tente de midi dans un recoin abrité, sorte de fondrière de granit, fermée et sinistre sous les ténèbres du ciel ; nos Bédouins allument un feu de menues branches aromatiques, qui donnent une grande flamme et une grande fumée, et nous nous asseyons autour, pêle-mêle parmi eux, confondus tous dans un même besoin de nous réchauffer, de ne plus souffrir. Avec leurs membres nus et noirs, leurs haillons de pelleterie, leurs têtes sauvages, leurs accroupissements de singes, ils ont l’air de préhistoriques autour d’une flambée primitive.

Quand nous nous levons pour repartir, de gros scorpions verts, qui avaient voulu se chauffer aussi, sont là près de nous, sur le tapis multicolore où nous étions assis. Nos Bédouins les jettent dans les cendres ardentes de notre feu, où ils se tordent et se consument.



Pendant l’après-midi, nous voyons changer autour de nous la teinte et la nature des pierres ; les granits