Page:Loti - Le désert, 1896.djvu/49

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grandes lueurs incessantes, règne une épouvante d’apocalypse ; elle est comme secouée jusqu’en ses fondements, avec des bruits crépitants ou sourds ; on dirait qu’elle tremble, qu’elle s’ouvre, qu’elle s’écroule…

Et puis les coups s’espacent et s’éloignent ; cela devient quelque chose de profond et de caverneux, comme si on entendait, au fond d’abîmes lointains, rouler des mondes…

Et enfin cela s’apaise et se tait…

Peu à peu reviennent à nous le silence, la sécurité et le sommeil.



Au frais matin tranquille, au soleil levant, quand j’ouvre ma tente, une bouffée de parfum m’arrive avec l’air du dehors, si violente qu’il semble qu’on soit venu briser devant ma porte un vase d’aromates. Et toute cette triste vallée de granit est embaumée ainsi, comme un temple d’Orient. Ses rares petites plantes pâles, qui étaient exténuées de sécheresse, ont repris vie sous les ondées de la nuit et répandent à présent leurs senteurs comme des cassolettes innombrables ; on croirait que l’air est rempli de benjoin, de citronnelle, de géranium et de myrrhe…

D’abord je regarde la vallée déserte, si étrange et