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baume ; de maigres petites plantes clairsemées, qui, de temps à autre, s’écrasent sous les pieds de nos dromadaires, répandent des arômes exquis et inconnus.

Le sol de ces interminables défilés s’élève de plus en plus, par degrés à peine sensibles, vers le plateau central, et continuera de s’élever ainsi pendant deux journées encore, pour nous mener doucement jusqu’à l’altitude de deux mille mètres où nous rencontrerons le couvent du Sinaï.

Les tourmentes géologiques n’ont pas encore pris fin dans la région où nous sommes ; tout récemment, des montagnes ont dû crouler, s’émietter sur le sol avec des bruits de fin de monde, car de gigantesques ruines, aux brisures toutes fraîches, attestent partout des cataclysmes d’hier. Et nous suivons notre pente ascendante sur des éboulements de granit bleu ou de granit rose, entre des mornes faits des mêmes pierres, le plus souvent lézardés jusqu’à la base, qui semblent prêts à des effondrements prochains.

Pour la nuit, nous campons entre de farouches et effroyables remparts de granit rouge, dans une vallée déjà haute où l’air devient glacé.