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V

Lundi, 26 février.

Chaque matin, s’éveiller en un point différent du vaste désert. Sortir de sa tente et se trouver dans la splendeur du matin vierge ; détendre ses bras, s’étirer demi-nu dans l’air froid et pur ; sur le sable, enrouler son turban et se draper de ses voiles de laine blanche ; se griser de lumière et d’espace ; connaître, au réveil, l’insouciante ivresse de seulement respirer, de seulement vivre.

Et puis partir, très haut monté sur le dromadaire éternellement marcheur, qui va l’amble égal jusqu’au soir. Cheminer en rêvant, cheminer, cheminer toujours, ayant devant soi la tête poilue ornée de coquillages et le long cou de la bête, qui fend l’air avec des oscillations de proue de navire. Voir les solitudes passer après les solitudes ; tendre l’oreille