Sitôt les tentes montées, nos chameaux, débarrassés de leurs charges lourdes, se répandent autour du camp, à la recherche des rares genêts ; nos Arabes, à la recherche des brindilles sèches pour faire du feu — semblables alors à des sorcières en longues robes qui ramasseraient des herbes, à l’approche du soir, pour des maléfices. Et pendant une nuit, notre petite ville nomade apporte l’illusion de la vie dans ce lieu perdu où elle ne reviendra jamais plus et où retombera demain le silence de la mort.
Il est d’une désolation de plus en plus grandiose, ce lieu, à mesure que le soleil s’abaisse et s’éteint. Cirque immense, entouré comme d’éboulements de villes, de chaotiques choses, renversées, exfoliées, creusées en fissures ou en cavernes. Et cela — comme nos chameaux, comme nos Bédouins, comme le sol et comme tout — est de ces nuances de cendre ou de brun ardent qui forment le fond éternel, le fond neutre et pourtant si intensément chaud, sur lequel le désert jette et déploie toutes ses fantasmagories de lumières.
Voici l’heure du couchant, l’heure magique ; sur les cimes lointaines, apparaissent, pour de furtives minutes, les violets incandescents et les rouges de braise ; tout semble receler du feu…