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péennes ; ensuite viennent des dômes et des coupoles, comme des débris de cités fossiles. Et on reste confondu devant la recherche et l’inutilité de ces formes des choses, — tandis que tout cela défile dans le même silence de mort, sous la même implacable lumière, avec toujours ces parcelles brillantes de mica, dont le désert est pailleté ici comme un manteau de parade.

De temps à autre, un des chameliers chante, et sa voix nous tire d’une somnolence ou d’un rêve. Son chant est plutôt une suite de cris d’appel, infiniment tristes, où le nom terrible d’Allah sans cesse revient : — il éveille, dans les parois des vallées, de clairs échos, des sonorités presque effrayantes, qui dormaient.



Le soir, à l’heure où la magie du couchant descend pour nous seuls sur le désert, nous campons dans un grand cirque mélancolique et encore sans nom, tout d’argile grisâtre, entouré d’une muraille de rochers géants. Le lieu est sans eau ; mais, pour deux ou trois journées encore, nous avons de l’eau du Nil et le cheik, notre guide, promet de nous faire camper demain soir près d’une source.