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incessant et monotone de nos chameaux lents…

Vers midi, passe une région moins morte. Au bord de quelque chose qui doit être le lit desséché d’un torrent, croissent des tamarins incolores, de pâles genêts à petites fleurs blanches, — et même deux hauts palmiers. Une hirondelle grise nous croise d’un vol effaré, des mouches reparaissent autour des yeux pleurants de nos chameaux. Tout un essai de vie. Et deux grands oiseaux noirs, les maîtres de ce lieu, déploient leurs ailes, poussent leur cri dans ce silence.

Nos Bédouins d’escorte, voyant les palmiers, flairent qu’il y a de l’eau sous leur ombre mince et y conduisent nos bêtes. En effet, dans un creux de sable, un peu d’eau s’est amassée, et les chameaux, en grondant de joie, s’en approchent, essayent d’y plonger, à deux ou trois ensemble, leurs museaux, emmêlant leurs longs cous tendus.

Puis le désert recommence, plus sec et plus stérile. Nous nous éloignons toujours de la mer Rouge, depuis hier disparue, nous enfonçant dans les contrées montagneuses de l’intérieur. Combien de vallées lugubres, de grands cirques désolés, traverserons-nous encore, avant le repos du soir ! Nos chameaux vont toujours, toujours au même rythme balancé qui endort, suivant presque d’eux-mêmes les imper-