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De plus en plus allongées, les ombres des choses, celles des moindres dunes, celles des moindres pierres ; et les nôtres, qui cheminent près de nous sur le sable, sont presque infinies ; nous semblons montés sur des chameaux qui auraient des échasses, sur des bêtes apocalyptiques aux longues pattes d’ibis.

Cependant la nuit tombe et nous n’apercevons pas notre camp. Comme l’étape est interminable aujourd’hui !



La nuit est tombée à présent, bien que les montagnes là-bas restent lumineuses, rougeâtres, comme recelant du feu, encore incandescentes. Et nous sommes, nous, dans le noir de petites vallées sinistres, dénuées de toute vie, où nos chameaux, qui n’y voient plus, se plaignent ne sachant trop où poser leurs larges pieds hésitants. Où donc sont-elles, nos tentes, ce soir ? Notre guide semble ne plus se reconnaître, et une inquiétude vague nous prend, dans cet isolement sans bornes.

Enfin, enfin, au tournant d’une colline, des feux, des flammes jaunes, dansent devant nous ! C’est là, nous arrivons, nos Bédouins viennent à notre ren-