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Le soleil monte, brûle, éclaire d’un feu blanc toujours plus admirable. Sur le sol, il y a des semis de petits galets noirs, ou bien des étincellements de mica ; mais plus une plante à présent, plus rien.

Et la région commence à se faire tourmentée, presque montagneuse : des amas de graviers et de pierres, à jamais inutiles et inutilisables, affectant, on ne sait pourquoi ni pour quels yeux, des formes très cherchées, qui sans doute sont là immuables depuis des siècles, dans le même silence et les mêmes splendeurs de lumière. Sous l’éblouissant soleil, on ferme les yeux malgré soi, pendant des instants très longs ; quand on les rouvre, l’horizon dur semble un cercle noir qui tranche sur la clarté du ciel, tandis que reste étonnamment blanc le lieu précis où l’on est, et où se meuvent, sur les parcelles des micas argentés, les ombres des grandes bêtes cheminantes, au balancement éternel.

Vers le soir, nous approchons d’une région de hauts sommets. Et, à l’heure triste où le soleil d’hiver étend démesurément nos ombres, dans un grand cirque de sable et de pierre où nous sommes, ces montagnes devant nous étalent un merveilleux luxe de couleurs, des violets d’iris pour les bases, des roses de pivoine pour les cimes, le tout profilé sur la limpidité d’un ciel vert.