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Au jour levé, le temps est redevenu calme, immobile. Alors, au sortir de la tente, on regarde : le soleil monte, dans une pureté absolue d’atmosphère ; plus rien de l’irréel d’hier au soir ; les choses ont repris leurs apparences et leurs proportions vraies, des chameaux, du sable, de maigres genêts ; tout est net, comme figé sous une lumière trop crue, et, au loin, au-dessus d’une nappe de lapis qui est la mer Rouge, les montagnes d’Égypte se dessinent encore.

Tout le matin, cheminé, cheminé dans les solitudes, à la même allure lente et balancée. Les genêts se font plus rares. Çà et là croît, solitaire, une étrange fleur de sable, quenouille sans feuillage qui sort du sol, teintée de jaune et de violet.

Et rien de vivant nulle part : pas une bête, pas un oiseau, pas un insecte ; les mouches mêmes, qui sont de tous les pays du monde, ici font défaut. Tandis que les déserts de la mer recèlent à profusion les richesses vitales, c’est ici la stérilité et la mort. Et on est comme grisé de silence et de non-vie, tandis que passe un air salubre, irrespiré, vierge comme avant les créations.