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III

Samedi, 24 février.

Jusqu’à deux heures du matin, le vent tourmente sans trêve notre petit camp, si isolé au milieu d’espaces vides. Nos tentes s’agitent avec des claquements de voiles ; dans l’obscurité, on sent passer sur sa tête des draperies qui remuent ; la couchette légère est secouée, comme en mer durant les nuits mauvaises et, à l’entour du camp, les chameaux crient tous ensemble à la façon des bêtes de ménagerie. Malgré soi, on songe combien serait peu de chose la nomade maison de toile contre les pillards de la nuit, contre toutes les surprises du désert : avec tant de bruit, tant de remuement dans ces ténèbres, des mains seraient sur vous, une lame sous votre gorge, sans qu’on ait rien entendu venir, sans que les compagnons de route, dans les tentes voisines, aient rien soupçonné.