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d’avance, en arrivant après eux à l’étape de nuit.

Plus solitairement donc, nous reprenons la marche de la fin du jour. Et, peu à peu, l’esprit s’endort dans la monotonie de l’allure lente et toujours balancée de la grande bête infatigable, qui s’en va, s’en va sur ses pattes longues. Et, au premier plan de toutes les choses grises, les yeux voilés de sommeil, qui s’abaissent, ne perçoivent plus que la continuelle ondulation de son cou, du même gris jaune que le sable, et le derrière de sa tête poilue, semblable à une petite tête de lion, qu’entoure un ornement sauvage, de coquilles blanches et de perles bleues, avec pendeloques de laine noire.



Vers le soir, nous entrons dans une région semée, à perte de vue, de maigres genêts ; sorte de triste jardin sans limites visibles, — et le vent, qui se lève, le couvre et l’embrume d’une fine poussière de sable.

Toujours plus fort, ce vent que rien n’arrête. À la lumière mourante, on ne voit plus les choses qu’au travers de cet étrange nuage jaune, d’une transparence livide. Nos tentes, qui apparaissent là-bas, s’exagèrent dans le lointain, au milieu de